J’en avais déjà touché un mot en août 2011 avec l’article « Portage ou comment sont tissé les écharpes » , je n’avais pas écrit grand chose mais juste relayé l’article de « Aimer Porter » sur le tissage : « La fabrication d’une écharpe… petit détour par l’art du textile » qui était paru le 25 septembre 2010. Depuis le débat a continué et un autre article très intéressant à été publié sur Ain Maternage : « Et si l’on parlait du tissage des écharpes… », le 19 août 2011. Comme quoi j’aurais du attendre un peu avant de publier :-).

Dans ce dernier article, il est fait mention d’une monitrice de portage ET styliste textile, Isabelle  Soubeyrand – Tout contre mon coeur, auprès de laquelle nous avons eu la chance d’en apprendre d’avantage sur la fabrication des tissus, lors d’une formation le 3 février dernier.

Pour commencer il existe 2 types d’écharpes pour porter un enfant ou bébé :
– les écharpes tissées. Beaucoup de marques font des écharpes tissées tel Didymos, Storchenwiege, Hoppediz, Néobulle etc…
– les écharpes tricotées appelées souvent souples ou stretch ou encore par certaines élastique. Non non on ne peut pas s’en servir pour faire du saut à l’élastique mdr. Pour ne pas utiliser des termes qui peuvent prêter à confusion, ces écharpes devraient toujours être appelées tricotées. Ce n’est pas une gentille grand-maman qui a tricoté votre JPMBB, vous imaginez bien mais une machine tricoteuse. Les JPMBB ont la particularité d’avoir de l’élasthanne dans leur composition. Certaines écharpes tricotées ont aussi de l’élasthanne mais vous pouvez trouver des écharpes tricotées sans. Dans ce cas là comme dans l’autre c’est le tricot qui apporte une souplesse et une certaine élasticité à l’écharpe.

Tout le monde connait le coton et le fait que l’on en fasse du fil et des tissus, je ne vais donc pas revenir là-dessus. Pour celles et ceux qui ne sont pas collectionneurs d’écharpes de portage, il faut tout de même signaler que certains fabricants font des écharpes avec d’autres matières que du coton. Pour en citer quelque un : la laine, le lin, le chanvre, la soie, peuvent faire partie de la composition d’une écharpe de portage.

Maintenant que le tisserand a son fil comment va-t-il le tisser pour en faire une écharpe ?
Il va devoir utiliser un métier à tisser avec des fils qui vont être les fils de chaîne et un fil qui va être le fil de trame pour les tissages simples.
 » Les textiles sont caractérisés entre autre par leur largeur, le nombre de fils de chaine et de trame par centimètre ainsi que par la nature des fils utilisés (écrus ou teints) et par leur armure « , nous explique le site de Petit Citron.
La façon dont le fil de trame va passer sur ou sous les fils de chaîne  est appelée armure. Il y a trois armures principales : la toile, le satin et le sergé.

1. La toile
   Le plus simple des tissages : le fil de trame passe une fois dessus, une fois dessous les fils de chaîne. On obtient un tissu avec un motif symétrique ayant un envers et un endroit identique.
   
   

   Toile simple, source : www.petitcitron.com

   Seulement quand on va au magasin de tissus on est rarement en face de tissu avec un nom aussi simple que son tissage ;-).
   Le site Petit Citron nous aide là encore, en nous mentionnant le fait que : le coton, la baptiste, la popeline, la percale, le taffetas ainsi que les tissus à quilter, les vichy, les étamines, les voiles, les mousselines sont tissés ainsi.

2. Le satin
   Pour ce tissage là, le fil de trame passe beaucoup moins souvent sur les fils de chaîne.
   

   Tissage satin, source www.petitcitron.com

   Dans le schéma au-dessus, si on prend la ligne du bas, on voit que le fil de trame passe sous 3 fils de chaîne, sur 1 puis sous 4 avant de passer sur 1 puis sous 3. On a donc sur cette ligne un tissage : 3 /1/4/1/3 (toutes mes excuses si je retranscrit mal le tissage en code). Sur la 2ème ligne on a 1/1/4/1/4/1 et ainsi de suite. Ce qu’il est important de voir c’est que cela fait des morceaux des fils de chaînes non bloqué par la fil de trame (sur le schéma en bleu foncé les fils de chaîne et bleu clair le fil de trame). Donc dès qu’on tire un fil, l’accroc est plus long. C’est aussi cette armure qui donne l’effet brillant d’un côté du tissu et de l’autre mat. Le tissu est plus fluide, plus souple.

3. Le sergé
   Et maintenant ce qui nous intéresse le plus, le sergé. Pour celles et ceux qui connaissent un peu les écharpes de portage, on entend que les écharpes sont en sergé croisé, parfois certaines disent sergé croisé double, de plus en plus en sergé brisé et qu’il ne faut pas porté en sergé simple. De quoi y perdre son latin !!
   On va reprendre point par point (fil par fil) ce que Isabelle Godart Soubeyrand nous a appris.
   Il existe plusieurs sorte de sergé, commençons par le commencement :

• Le sergé simple : le fil de trame passe sur plusieurs fils de chaîne comme pour un satin mais la manière dont il le fait est plus régulière. Si je prend comme exemple un morceau fait avec 16 fils de chaînes pour les 4 premiers rangs :
  1/3/1/3/1/3/1/3
  1/1/3/1/3/1/3/1/2
  2/1/3/1/3/1/3/1/1
  3/1/3/1/3/1/3/1 (l’inverse du premier rang, tient tient…)
  Cette répétition du « motif » fait que des lignes de diagonales vont être visibles. Le tissu présente donc un endroit et un envers distinct. Ce dernier présentera des diagonales moins visible.
  Un jean est un tissu sergé simple par exemple.

• Le sergé croisé : on y arrive à ce fameux sergé croisé ! Ce n’est tout simplement qu’un sergé simple qui a son fil de trame qui passe de manière paire sur et sous les fils de chaîne. Il passe donc autant dessus que dessous.
  Le plus courant et celui avec lequel est fait l’unique marque d’écharpe de portage en sergé croisé (Echarpe Côté Coeur) est le sergé 2/2. Le fil de trame passe donc 2 fois dessous et 2 fois dessus et ainsi de suite… Pour reprendre mon exemple à 16 fils de chaînes :
  2/2/2/2/2/2/2/2/
  2/2/2/2/2/2/2/2/

On va s’arrêter là, vous voyez que le motif est régulier, il y a des diagonales mais qui se présentent dans un sens sur l’endroit et en sens inverse sur l’envers.

• Le sergé croisé double : il n’existe tout simplement pas ! C’est une coquille de traduction et/ou d’interprétation qui s’est malheureusement répandu pendant de nombreuses années. A oublier !

• Le sergé brisé : et voilà comment est tissé la majorité des écharpes que nous connaissons !
  Pourquoi brisé ? Parce que l’armure de base est brisé par une autre armure. La base est une armure sergé brisé par une armure satin. Sur un échantillon à 15 fils de chaînes cela donne, par exemple :
  1/4/1/4/1/4
  3/1/4/1/4/1/1
  1/1/4/1/4/1/3
  4/1/4/1/4/1
  L’important est de voir que le fil de trame « flotte » sur les fils de chaînes comme dans l’armure satin. Visuellement les diagonales ne sont plus présentes. Les deux faces sont différentes et présente comme dans le cas du satin, une face plus brillante que l’autre. On a donc un tissu plus léger qu’une toile ou un sergé croisé. Plus brillant aussi mais du fait de son armure de base moins glissant que le satin que l’on ne peut pas utiliser pour porter un enfant.

Pourquoi la majorité des écharpes sont en sergé brisé du coup ? Parce qu’Erika Hoffman, fondatrice de Didymos, s’est inspiré des Rebozos mexicains pour « inventer » l’écharpe de portage à l’européenne. Ces moyens de portage traditionnels sont rayés et le motif est propre à chaque ethnie. Pour obtenir quelque chose de ressemblant, le sergé brisé c’est imposé comme moyen de tissage.

Si vous avez eu la patience de me lire jusqu’ici, je vous épargne le tissage jacquard (sûrement un article à ce sujet à part).
Avec toutes ces informations sur le tissage, je n’ai pas encore parler portage mais là encore je pense que je vais réserver cela pour un autre article ;-).

Encore un grand merci à Isabelle Soubeyrand pour sa formation, sa rigueur scientifique, son ouverture d’esprit et les tests de portage avec différents tissus !